Proposé par Prod’cité et Wanted TV, initialement prévu à la guinguette du Hallebardier au Sanitas, c’est finalement – météo oblige, il pleuvait des cordes – dans le local de la rue Palissy qu’a eu lieu le débat le samedi 13 septembre dernier. Animé par Sébastien Brangé, il s’est déroulé en 2 fois 30 minutes.
Le plateau de la première partie a réuni Yoan Gillet, journaliste, auteur-réalisateur, producteur de films documentaires, président-fondateur de la société tourangelle Upsilon Expression Publique ; Sophie Pécresse, photographe et médiatrice culturelle à Plurielle, Pépiang Toufdy, fondateur de Prod’cité ; Yasmine Hassouni, directrice adjointe de Plurielle.
Comment les médias informent-ils sur les quartiers ? Quelles en sont les représentations, les images véhiculées ? Comment les habitants des quartiers prennent-ils en main leur histoire ? Autant de questions qu’a soulevées Sébastien après avoir, en préambule, fait état du dernier rapport de l’ARCOM. Au chapitre « La représentation de la diversité de la société dans les médias », il est dit que les habitants des quartiers représentent 5% des infos traitées. Et sur ces 5%, la moitié est sans emploi. « Une insulte », relève Pépiang. Et si le chiffre est passé à 10% en 2023, c’est uniquement en raison des émeutes suite à la mort de Nahel Merzouk tué par un policier à Nanterre.
Quand parle-t-on des quartiers ? Quand il y a des problèmes : drogue, émeutes et voitures brûlées. Rappel est fait de l’affaire récente et douloureuse du jeune Pharell, tué au Sanitas en février dernier. Un différend privé, alors que les médias ont hâtivement parlé de problème de drogue. Sébastien passe un extrait de l’ITW d’un jeune des Minguettes, pendant les émeutes de 1981. Un jeune qui dit que les jeunes sont invisibles, qu’ils n’intéressent pas, et qu’ils demandent à être entendus. Constat : rien n’a vraiment changé depuis 45 ans !
Faut-il tout attendre des politiques ? Bien sûr que non, l’éducation est aussi primordiale.
La démocratisation de l’info via les réseaux sociaux ? Elle peut aussi causer du tort : immédiateté, vérification des sources…Quand la rumeur remplace l’info.
La seconde partie du débat réunissait Burhan Aliti, président de l’AIR (Association Intergénérationnelle de la Rabière, qui a pour vocation d’encourager la participation citoyenne), Axel Aniamboussou, médiateur numérique, cofondateur du média 777 TV dédié aux cultures urbaines, Agnès Ramo, doctorante en sociologie dont le sujet de thèse est «Les Cités éducatives, réduire les inégalités scolaires par le territoire : les enfants et les alliances éducatives dans les quartiers prioritaires de la ville. »
Pour info, dit Burhan, « On a collecté des décennies d’articles dans la NR : la majorité traitait de faits divers ! ». Il rappelle qu’il y a urgence à ce que les habitants soient acteurs et maîtres de leurs infos, que le rôle de la parole citoyenne est primordial comme à la Table de quartier initiée par l’AIR.
Rappel est fait du jeune abattu dans un commissariat de Joué. Le drame a mobilisé ministres et brigade antiterroriste, alors qu’il ne s’agissait pas de ça. « Ce mauvais traitement de l’info a brisé des familles. Quand on est loin, tout est monté en épingle. Il faut éviter la pression de l’urgence, qui amène à des raccourcis pour privilégier le sensationnel : la proximité, c’est très important.
Et à défaut qu’il y ait un journaliste dans chaque quartier, au moins la profession devrait-elle être formée à une démarche de proximité, sans se contenter d’être parachuté et de déformer l’information. Il faut du monde sur place pour distiller les bonnes infos. Clairement, en termes de représentation des quartiers, il manque des médias dédiés. « Nos jeunes talents par exemple », souligne Axel, « n’ont aucune chance d’être médiatisés car il n’y a pas de relais suffisant de l’info »…
Agnès, qui travaille sur Grigny, retrouve là-bas des initiatives similaires à celles qui existent ici. « L’avantage du sociologue est qu’il peut travailler en profondeur, gagner la confiance des habitants, sans les contraintes journalistiques ».
Est évoqué le scandale de l’argent public distribué à des médias qui déforment l’info. Pendant que les médias de proximité pâtissent de leurs manques de moyens.
Le débat du traitement médiatique de l’info dans les quartiers est ancien, les constats ne sont pas toujours satisfaisants, loin de là. Heureusement émergent parfois des réponse locales permettant de faire lien et de construire des passerelles pour un traitement de l’info satisfaisant. Aux citoyens aussi de se mobiliser et de s’investir en ce sens…
ML
